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3. Histoire du travail du sexe au masculin au Canada
Histoire du travail du sexe au masculin au Canada

Le travail du sexe rapporte gros au Canada. À combien se chiffre-t-il? Nul ne le sait, et cela pour plusieurs raisons.

D'abord, le travail du sexe est, sous bien des aspects, illégal et nombre de travailleurs du sexe se cachent ou sont invisibles, travaillant souvent en établissement. Ensuite, on ne s'entend pas toujours sur ce qu'est un travailleur du sexe homme. Enfin, ces travailleurs se déplacent beaucoup, ils vont et viennent dans ce milieu. Il est particulièrement difficile d'estimer le nombre d'escortes autonomes ou travaillant pour une agence, dans une ville donnée, car ils changent souvent de nom, d'adresse et de numéro de téléphone pour éviter les problèmes avec la police.15

Pas le plus vieux métier au monde

Contrairement à ce que l'on dit, la prostitution n'est pas le plus vieux métier pratiqué au Canada. Bien qu'on rapporte des activités semblables à de la prostitution parmi les Premières nations, il est généralement admis que le travail du sexe a été introduit au Canada par des Européens.16

Les documents de la fin du 19e et du début du 20e siècle sur le travail du sexe couvrent surtout les travailleuses du sexe publiques, ou visibles. On ne trouve aucune mention, à cette époque, des aspects plus cachés de la prostitution, puisqu'ils ne tombaient ni sous le coup de la loi ni sous celui de la force policière.17

Le malaise qu'évoque le travail du sexe dans l'esprit du public est dû, en grande partie, à la peur que le travailleur ou la travailleuse du sexe ne transmettent des maladies vénériennes.18 Cette peur n'est pas nouvelle, on la trouve déjà pendant la période précédant la Première guerre mondiale, où on s'inquiétait beaucoup de la transmission des maladies vénériennes par les prostitutées aux soldats. Cela s'explique du fait que «les maladies vénériennes étaient très fréquentes dans l'armée canadienne».19 [Traduction libre] Le contrôle du travail du sexe était étroitement lié à la lutte contre la propagation des maladies transmises sexuellement. Il n'est donc pas étonnant «qu'on se soit peu occupé du rôle des hommes dans cette affaire, qu'ils transmettent une maladie vénérienne à leurs femmes» [Traduction libre] ou à des prostituées.20

Travailleurs du sexe hommes à l'ère des MTS

L'essentiel de l'information rassemblée pour ce document remonte au milieu des années 1970, où l'on note une augmentation sensible du nombre des travailleurs du sexe hommes dans les rues de Vancouver. On estime alors à 200 le nombre d'hommes adultes et mineurs se livrant régulièrement ou occasionnellement à la prostitution dans le quartier du centre-ville.21 Certains des premiers rapports sur le travail du sexe au masculin sont publiés vers la fin des années 1970, lorsque le travail du sexe pratiqué dans la rue commence à être considéré comme un problème communautaire à Toronto. On s'accorde à penser que ce sont les campagnes de grand nettoyage de la rue Yonge, à Toronto, qui ont fait augmenter la prostitution de rue, donc visible, au Canada.22

Et visibles, ces travailleurs le sont devenus. À la fin des années 1980, le ministère de la Justice estime23 que les hommes représentent entre 10 et 33 % des travailleurs du sexe arpentant les rues de nombreuses villes canadiennes.24 À Halifax, «on pouvait, et on peut toujours, voir chaque soir 4 à 5 prostitués hommes proposant leurs services dans le quartier chaud25 de Citadel Hill.»26 [Traduction libre] Les travailleurs du sexe eux-mêmes estimaient récemment que, dans une grande ville comme Toronto, il y aurait en permanence quelque 200 prostitués hommes offrant leurs services en établissement et 150 dans les rues.27

Il est évident que les évaluations touchant le nombre d'hommes qui se prostituent varient. Selon une étude effectuée à Victoria en 1997, un nombre presque égal de jeunes hommes et de jeunes filles auraient répondu aux annonces pour faire partie d'un sondage et, en 1994, un étude menée à Ottawa révèle que 54 % des travailleurs du sexe sondés par les animateurs communautaires sont des hommes.28

Comme les estimations concernant les femmes et les hommes se basent, en général, sur le nombre d'arrestations enregistrées, il est possible que la différence entre les deux sexes soit due à la réticence de la police de pincer un homme qui se prostitue.29 [Traduction libre]



Références

  1. International Conference on Prostitution and Other Sex Work, Participation Kit, Montréal (Québec) Groupe de recherche d'intérêt public de l'Université McGill, 1996. [back]

16. CONSEIL CONSULTATIF CANADIEN DE LA SITUATION DE LA FEMME, L'histoire de la prostitution au Canada, document inédit, Ottawa, Conseil consultatif canadien de la situation de la femme, 1983.

17. Lowman, J. «Prostitution in Canada», dans Canadian Criminology: Perspectives on Crime and Criminality, publié sous la direction de M. A. Jackson, Griffiths, C. T. et A. Hatch Toronto, Harcourt Brace Jovanovich, 1991.

18. Brock, D. «Prostitutes are Scapegoats in the AIDS Panic», Resources for Feminist Research, 1985, 18, 2, p. 13-17.

19. Larsen, E. N. «Canadian Prostitution Control Between 1914 and 1970: An Exercise in Chauvinist Reasoning», Canadian Journal of Law and Society/Revue canadienne droit et société, 1992, vol. 7, no 2 , p. 141.

20. Ibid., p. 144.

21. LOWMAN, J. «Prostitution in Vancouver: Some Notes on the Genesis of a Social Problem», Canadian Journal of Criminology/Revue canadienne de criminologie, 1986, vol. 28, no 1, p. 1-16; LOWMAN, J. «Prostitution in Canada», dans Canadian Criminology: Perspectives on Crime and Criminality, publié sous la direction de M. A. Jackson, C. T. Griffiths et A. Hatch, Toronto, Harcourt Brace Jovanovich, 1991.

22. MOYER, S. et CARRINGTON, P. La prostitution de rue : Effets de la Loi — Toronto, Ottawa, Ministère de la Justice, 1989; ACHILLES, R. The Regulation of Prostitution, document de travail présenté au Bureau de la santé de Toronto, Toronto, Service de Santé publique, 24 avril 1995; BROCK, D. Making Work, Making Trouble: Prostitution as a Social Problem, Toronto, University of Toronto Press, 1998; ALLMAN, D. et MYERS, T. «Male Sex Work and HIV/AIDS in Canada», dans Men Who Sell Sex: International Perspectives on Male Prostitution and HIV/AIDS, publié sous la direction de P. Aggleton, London, UCL Press, 1999.

23. 10% à Vancouver, 18% à Calgary, > 20% à Montréal, 25% à Toronto et 33% à Halifax. Cela correspond à peu près à l'évaluation du Comité Fraser (1985), selon laquelle, dans l'ensemble, 25 % des travailleurs du sexe au Canada sont des hommes.

24. COMITÉ SPÉCIAL D'ÉTUDE DE LA PORNOGRAPHIE ET DE LA PROSTITUTION (FRASER). La pornographie et la prostitution au Canada : Rapport du Comité spécial d'étude de la pornographie et de la prostitution, Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1985, p. 371, note 15.

25. Un quartier chaud est un lieu géo-graphique, comme une rue (ou un quartier), reconnu pour ses activités de prostitution.

26. FLEISCHMAN, J. Violence Against Prostitutes in Halifax, Ottawa, Ministère de la Justice, Secteur des politiques, Direction de la recherche, de la statistique et de l'évaluation, Section de recherche sur le droit criminel et les jeunes contrevenants, Rapport technique no TR1996-16e, 1995.

27. Prostitutes' Safe Sex Project, Prostitutes' Safe Sex Project: What Is It and How Does It Work, Toronto, Prostitutes' Safe Sex Project, 1991.

28. RESEARCH SUBGROUP OF THE SEXUALLY EXPLOITED YOUTH COMMITTEE OF THE CAPITAL REGIONAL DISTRICT. A Consultation with 75 Youth Involved in the Sex Trade in the Capital Regional District (CRD), Victoria, District Régional de la capitale, 1997; CAPUTO, T., WELLER, R. et KELLY, K. Projet de recherche sur les fugueurs et les jeunes de la rue, phase II; L'étude de cas d'Ottawa, Solliciteur général du Canada, Direction générale de la police, Rapport final no 1994-11, Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1994a, cité dans GROUPE DE TRAVAIL FÉDÉRAL-PROVINCIAL-TERRITORIAL SUR LA PROSTITUTION. Rapport et recommandations relatives à la législation, aux politiques et aux pratiques concernant les activités liées à la prostitution, Ottawa, Ministère de la Justice, 1998.

29. GROUPE DE TRAVAIL FÉDÉRAL-PROVINCIAL-TERRITORIAL SUR LA PROSTITUTION. Rapport et recommand-ations relatives à la législation, aux politiques et aux pratiques concernant les activités liées à la prostitution, Ottawa, Ministère de la Justice, 1998, p. 34.

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Created: February 5, 2000
Last modified: February 5, 2000
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