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mardi 05 novembre 2002

Ludovic Blecher
Société


On commençait à faire partie du système. Sarkozy veut nous en faire sortir

Sophie se prostitue depuis dix ans. Membre d'un collectif parisien, elle manifeste aujourd'hui mardi à 17 heures pour protester contre le projet de loi sur la sécurité intérieure qui “criminalise„ la prostitution. Par Ludovic BLECHER

La prostitution, Sophie en a fait son métier. “Par choix„, assure-t-elle, “pour l'argent„ et après y avoir “mûrement réfléchi„. Avant de rejoindre les trottoirs de la Chaussée d'Antin il y a dix ans, cette femme d'une quarantaine d'années a été barmaid, secrétaire, comptable… Elle jure que “chez les prostituées françaises traditionnelles, les “macs„ n'existent plus„. Membre d'un collectif parisien, Sophie manifestera mardi à 17 heures pour protester contre le projet de loi sur la sécurité intérieure qui “criminalise„ la prostitution.

Qu'est-ce qui vous inquiète aujourd'hui dans les projets du gouvernement au point de manifester pour la première fois depuis un quart de siècle?

Avec le rétablissement de l'interdiction du racolage passif prévu dans le projet de loi sur la sécurité intérieure (lire le projet de loi en PDF), la prostitution deviendra un délit pénal. Qui dit délit dit garde à vue, tribunaux et risque d'emprisonnement: jusqu'à six mois et 7.500 euros d'amende. Depuis 1994 et la levée de l'interdiction du racolage, les policiers ne nous distribuaient même plus de procès verbaux. Nous avions le sentiment d'avancer un peu dans la société, on payait des impùôts, certaines filles avaient contracté des crédits pour acheter un appartement. On commençait à faire partie du système. Sarkozy veut nous en faire sortir. Pourtant, à l'hùôtel des impùôts, ils ont des feuilles où est écrit, profession: prostituée.

Vous estimez que ce projet de loi criminalise votre profession. Pourquoi?

Dans la prostitution traditionnelle, nous ne sommes pas des victimes. C'est un choix. Demain, on risque de devenir des coupables. Beaucoup de filles ont des enfants. Que vont-elles faire si elles sont jetées en prison ? On ne peut pas laisser voter ce projet de loi et nous sommes très unies dans ce combat. Si la loi passe, on se mettra à 150 au coin de la rue et si les flics veulent intervenir, ils devront toutes nous interpeller.

Pourquoi vous sentez-vous visée par ce texte qui ciblerait davantage les nouvelles venues d'origine “étrangères„ que la prostitution dite “traditionnelle„?

On essaie de nous diviser avec cette idée. Il n'y a pas deux types de prostitution. C'est sur les réseaux qui réduisent en esclavage les femmes et les enfants qu'il faut taper. Pas sur les filles qui font le trottoir.

Comment souhaitez-vous voir évoluer la législation sur la prostitution?

Il ne faut surtout pas rouvrir les maisons closes, ce qui signifierait le retour de l'esclavage. Nous voulons être traitées comme des êtres humains et pouvoir travailler dans la dignité. Nous réclamons simplement le retrait du projet de loi et l'ouverture d'un dialogue. Pourquoi Nicolas Sarkozy ne propose-t-il pas de nous recevoir?

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Created: November 14, 2002
Last modified: November 19, 2002
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